Anges déchus : Boeing au bord du précipice
Au moment de rédiger ces lignes, Boeing n’avait pas encore déposé son prospectus préalable de 25 milliards $US et la cote de son obligation était susceptible d’être ramenée à la catégorie de titre à rendement élevé, selon Moody's et S&P, ce qui qualifierait « d’ange déchu ». Ce terme est souvent jumelé à son antonyme, « étoile montante », qui pour sa part désigne une obligation qui passe de la catégorie de titre à rendement élevé à celle de placement de bonne qualité. La cote de Boeing est toujours susceptible d’être réduite, bien que sa nouvelle facilité de crédit de 10 milliards $US et la possibilité, selon les rumeurs, d’une émission d’actions de 10 à 15 milliards $US, soient appelées à aider cette entreprise industrielle en difficulté à gérer son solde de trésorerie dans l’immédiat. Cela dit, nous avons cru intéressant de mettre en lumière l’importance et les incidences d’un ange déchu pour le marché des obligations de bonne qualité et, surtout, pour celui des obligations à rendement élevé, aussi appelées « de pacotille ».
La prime attribuée aux anges déchus (soit l’écart entre les obligations de bonne qualité et celles à rendement élevé) a diminué graduellement pour frôler un creux pour l’année en cours, et ce, pendant que les titres de créance de toutes les catégories continuaient de remonter la pente. Jusqu’ici cette année, le marché a produit seulement cinq « anges déchus », comparativement à 14 « étoiles montantes ». En vertu de la méthodologie utilisée pour l’indice ICE, quand deux agences de notation sur trois (Fitch, Moody’s ou S&P) ramènent la cote d’une obligation à la catégorie de titre à rendement élevé, celle-ci passe de l’indice des obligations de bonne qualité à celui des titres à rendement élevé. Cela donne souvent naissance à une vague de liquidations forcées de ces obligations, puisque les gros investisseurs qui doivent se limiter aux obligations de bonne qualité, tels que les caisses de retraite, ne peuvent détenir aucune obligation à rendement élevé dans leurs portefeuilles. L’autre principal bassin de vendeurs regroupe des détenteurs de comptes indiciels qui ne peuvent investir dans aucune obligation non inscrite à l’indice des obligations de bonne qualité. Ils doivent donc réaffecter ces fonds à de nouveaux placements qui remplacent les anges déchus au sein de l’indice à la fin du mois. En vertu de ce rééquilibrage, les écarts s’élargissent et l’émetteur en question assiste à une hausse considérable de ses frais d’intérêts s’il doit refinancer leur dette. De même, sa capacité d’emprunt diminue sensiblement, vu que le marché des titres à rendement élevé est moins liquide que celui des obligations de bonne qualité et qu’il ne peut pas accommoder les opérations de financement « jumbo » que réalisent souvent les émetteurs d’obligations de bonne qualité.
Pour en revenir à Boeing, si la cote de crédit de l’entreprise est ramenée au statut de pacotille, son obligation deviendra le plus important « ange déchu » de l’histoire, avec des obligations en circulation de plus de 57 milliards de $US. Le tableau ci-dessous fait état des plus récents anges déchus du marché américain. Les trois principaux ont déjà regagné le statut d’obligations de bonne qualité (Ford, GM et Occidental).
Fait intéressant à retenir, malgré les difficultés bien connues de Boeing et les craintes exprimées par les agences de notation, ses écarts ne se sont pas élargis autant qu’on aurait pu s’y attendre. Par exemple, celui de ses obligations de 6,259 % expirant en 2027 s’est accru d’environ 4 points de base quand les manchettes ont signalé l’exclusion possible de l’entreprise de l’indice des obligations de bonne qualité. Par contraste, quand Ford en arrachait avant la rétrogradation de sa cote en mars 2020 (situation aussi bien médiatisée), son obligation a perdu de 10 à 20 points de base pour chaque transaction et sa liquidité s’est asséchée. L’écart de cotation de Boeing n’a pas non plus varié autant que nous l’aurions cru, indiquant que, généralement parlant, sa liquidité n’a pas été substantiellement touchée. Au cours des jours qui ont suivi l’annonce de l’opération sur capital potentielle de Boeing, les écarts se sont resserrés de près de 10 points de base, ce qui s’est soldé par une variation de -6 points de base en glissement hebdomadaire. Cette annonce a aussi donné du tonus aux actions de l’entreprise, mettant ainsi en lumière l’optimisme des investisseurs. Une offre de souscription contribuerait grandement à tenir les agences de notation du crédit à l’écart pour le moment, bien que ce fabricant d’aéronefs ne soit pas encore sorti du bois. Nous continuons de le surveiller de près en vue de déceler des mesures touchant sa cote de crédit et de dépister des occasions d’achat.
-Équipe des titres de créance de Mawer
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